Avec la propagation de la pandémie du COVID-19, les mesures de confinement se sont multipliées partout de le monde, acculant aujourd’hui la moitié de l’humanité à rester chez elle. A part les secteurs jugés vitaux (médical, agroalimentaire, électricité, eau, etc.), la plupart des entreprises sont, au mieux fonctionnant au ralenti, sinon fermées. Près de 90% de la flotte aérienne mondiale est clouée au sol. Les chaines d’approvisionnement sont rompues. Les matières premières en majorité en provenance de Chine se font rares.
Les industries touchées sont innombrables ; textile et habillement, produits de luxe, électronique, automobile, aéronautique, etc.
Le chômage qui guette
Comme conséquence de cette situation de paralysie économique, des dizaines de millions de travailleurs dans le monde se sont retrouvés du jour au lendemain en situation de chômage forcé. Car la plupart des législations n’obligent pas les entreprises à garder leurs salariés en période d’inactivité.
Dans ce contexte de ruptures massives de contrats de travail, le mécanisme du « chômage technique » appelé aussi « chômage partiel » constitue une alternative intéressante pour la préservation de l’emploi.
Le chômage technique est un dispositif permettant de suspendre ou de réduire temporairement l’activité des salariés tout en leur assurant une rémunération. Destiné à prévenir les licenciements économiques, il permet de maintenir l’emploi des salariés dès lors que leur entreprise doit faire face à des difficultés conjoncturelles. Pendant le chômage technique, l’employeur continue de verser une rémunération à ses salariés tout en touchant une allocation financée par l’Etat.
Quid de la Tunisie
En Tunisie, le mécanisme de chômage technique a été prévu par le seul article 21 du code de travail. Cet article est subdivisé en 13 paragraphes exclusivement procéduraux sans que le concept même ne soit défini. En parcourant cet article, qui parle tantôt de chômage technique, tantôt de licenciement, on ne trouve aucune indication sur l’indemnité devant être servie par l’employeur, ni celle perçu par ce dernier de l’Etat. La seule certitude qui se dégage, c’est qu’il s’agit d’un processus long et fastidieux incluant une phase de conciliation (pourquoi donc en temps de pandémie ?) et nécessitant au moins 1 mois et 4 jours.
Et dans ce contexte de pandémie amplifié par une crise économique aiguë, les nouvelles mesures d’urgence annoncées par le Chef du Gouvernement ce jeudi 2 avril concernant le chômage technique n’étaient pas de nature à améliorer les choses.
Ces mesures sensées rassurer les entreprises et leurs salariés n’ont fait qu’élever le niveau d’inquiétude. D’abord, en annonçant le montant de l’indemnité qui sera servie aux salariés mis en chômage qui ne dépasse pas un maximum de 200 dinars ! Un montant ridiculement dérisoire.
Pis encore, les entreprises sont priées de mettre la main dans la poche. Avec quelles ressources en cette période de disette ? Et contrairement à la Loi n° 2008-79 du 30 décembre 2008, portant mesures conjoncturelles de soutien aux entreprises économiques pour poursuivre leurs activités, aucune incitation d’ordre social ou fiscal n’a été offerte aux entreprises qui, moyennant quelques sacrifices, peuvent assurer un paiement au moins partiel des salaires. Aucune exonération de l’IRPP sur les salaires payés, ni aucune prise en charge par l’Etat de la cotisation employeur au titre de la CNSS.
Sur le plan pratique, et à part le fait qu’une plateforme serait théoriquement fonctionnelle dès le 7 avril, beaucoup d’interrogations subsistent :
- Par quel canal sera négocié le dossier et le montant de l’indemnité (sachant que le montant de 200 dinars est un maximum) ?
- Comment sera effectuée l’indemnisation ? Paiement par l’employeur puis remboursement par l’Etat ou paiement direct du salarié par l’Etat ?
- Dans quel délai interviendra l’indemnisation ?
- Qu’en est il des demandes refusées ? Faut il motiver les refus ? y-a-t-il un droit de recours ?
Beaucoup de choses restent à clarifier. Il va sans dire que les entreprises elles-mêmes ne bénéficieraient d’aucune mesure d’aide consécutive à la perte de leur chiffre d’affaires. Nous y reviendrons.
Slim OUANES, Expert Comptable.